"ORA PRO NOBIS, COUCOU, COUCOU":
LA DIFFICILE INSTALLATION DES PRETRES CONSTITUTIONNELS DANS LES MAUGES PENDANT LA REVOLUTION
Un article de Bertrand Delahaye, membre de l'AHM, paru en 2003 dans la revue "Recherches vendéennes" n°10
Résumé: Alors que la Révolution à ses débuts est dans l'ensemble assez bien accueillie dans les Mauges, tout bascule autour de la question religieuse à partir de 1790 : le remplacement des prêtres réfractaires par des prêtres ayant prononcé le serment à la Constitution civile du clergé entraîne un mécontentement patent de la population qui atteint son paroxysme avec le soulèvement de 1793. Bertrand Delahaye insiste ici sur la radicalisation des positions entre patriotes et contre-révolutionnaires révélée par la présence des prêtres jureurs dans les paroisses des Mauges.
« On a porté...l'impiété à son comble...»
Mardi 25 octobre 1791. Retranché dans son presbytère,
le curé Yves Laurent n’en peut plus. Installé depuis seulement
neuf jours dans sa nouvelle paroisse de St-Quentin-en-Mauges au cœur de
la Vendée angevine, cet ancien récollet d’Angers doit faire
face à l’hostilité croissante des habitants. Isolé
de tous, ne sachant plus à quel saint se vouer, il entreprend de faire
le récit de ses malheurs au procureur général syndic du
Maine-et-Loire. Ses premiers mots font état d’un véritable
calvaire : « je suis insulté de nuit et de jour par un vil attroupement
de canailles, dans les rues, dans l’église, au milieu même
de mes fonctions curiales, pendant la messe, soit jours ouvriers, soit dimanche,
à l’élévation, pendant les vêpres, au salut,
à la bénédiction : rien n’est respecté, les
cris, les sottises, le mépris, l’impiété, tout est
en usage »1. Le plus impensable s’est même produit : «
on a porté l’insolence, l’excès, l’impiété
à son comble en garnissant de merde la poignée, le loquet, la
porte de l’église, autant à la cure ». Le presbytère
a essuyé des coups de feu incitant Yves Laurent à dormir armé
pour assurer sa propre sécurité ; selon ses dires, la municipalité,
complice de la population, n’entend pas la lui garantir. Seul contre tous,
excédé devant tant d’hostilités à son égard,
le prêtre perd patience et confesse par un bel euphémisme avoir
battu un jeune garçon. En représailles, il ne tarde pas à
être victime à son tour de coups de la part de ses paroissiens.
Des paroissiens qui insultent et prennent à parti leur curé, ce
même prêtre qui n’hésite pas à répondre
à la violence : la situation n’est pas banale…et pourtant,
dans les Mauges en cette année 1791, le cas de Yves Laurent est loin
d’être unique.
Pour saisir les origines de cette crise de 1791, il faut remonter
à l’épisode de la nuit du 4 août 1789 qui constitue
le point d’ancrage de la conception d’une nouvelle Eglise. En proposant
la suppression des privilèges, l’égalité fiscale
entre les ordres et l’abolition, avec compensation, des droits seigneuriaux,
les partisans de la Révolution franchissent une étape majeure
de l’histoire de la société française qui va s’avérer
lourde de conséquences pour le clergé. En effet, l’abrogation
de la dîme précipite ce même clergé dans une situation
critique. Sa place dans l’Etat est à reconsidérer car il
est désormais sans ressources. De plus, le 2 novembre 1789, les biens
ecclésiastiques qui assuraient précisément l’indépendance
économique de l’Eglise sont mis en vente au profit de l’Etat.
Dès lors, pour intégrer le clergé dans leur œuvre,
les députés doivent comprendre celui-ci comme un corps de fonctionnaires
rémunérés par l’Etat. En ce sens, c’est une
réorganisation radicale de l’Eglise qui est entreprise, dont l’apogée
réside dans la Constitution civile du clergé, votée par
les députés de l’Assemblée Nationale le 12 juillet
1790 1.
Cette Constitution redéfinit le cadre géographique de l’Eglise.
Les diocèses sont désormais calqués sur les 83 départements.
De plus, les villes de moins de 6 000 habitants n’ont droit qu’à
une seule paroisse. Par cette circonscription, ce sont près de 4 000
d’entre elles qui disparaissent non sans heurts. Curés et évêques
deviennent quant à eux fonctionnaires en percevant des salaires versés
par l’Etat. Mais le véritable bouleversement de l’Eglise
qu’apporte la Constitution civile du clergé est sans conteste le
nouveau mode de nomination des ecclésiastiques. L’élection
des prélats et des prêtres se fait désormais par des laïcs,
respectivement dans des assemblées départementales et dans des
assemblées de district. Alors que le roi accepte le texte le 14 août
1790 non sans scrupules, le pape Pie VI reste indécis.
Cependant, cette réorganisation radicale de l’Eglise ne porte pas
obligatoirement atteinte aux fondements de la religion. La Constitution civile
n’est pas au départ antireligieuse et s’interdit de toucher
au domaine proprement spirituel 1. Dans le Maine-et-Loire, elle ne suscite pas
ou peu de réactions d’hostilité. La question cruciale sur
laquelle le clergé français va se déchirer n’est
pas directement celle de la Constitution civile en elle-même. Elle concerne
celle du décret de l’Assemblée Constituante du 27 novembre
1790 qui exige un serment d’allégeance à celle-ci pour tous
les évêques, les prêtres ainsi que les professeurs de séminaires.
Le serment est un acte bien connu du clergé avant la
Révolution. Les prêtres sont habitués à participer
à de tels rituels 2. De plus, le serment exigé en novembre 1790
n’est pas forcément le premier que les curés ont eu à
prêter pendant la Révolution.
Cet engagement n’est pas un geste anodin. Le canoniste Durand de Maillane
le définit d’ailleurs comme « un acte de religion par lequel
celui qui jure prend Dieu pour témoin de sa sincérité et
de sa fidélité 3». Or beaucoup de prêtres s’inquiètent
du salut de leur âme. Cette nouvelle promesse peut contredire le serment
qu’ils ont prêté à l’évêque au
moment de leur ordination. En cela, le serment devient le problème central
de la Constitution civile du clergé 4. La formule retenue est la suivante
: « je jure d’être fidèle à la Nation, à
la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution du Royaume,
décrétée par l’Assemblée nationale constituante
aux années 1789, 1790, 1791 5». Ici, pas de référence
à la papauté. Les prêtres passent seulement contrat avec
la Nation. En ce sens, c’est bien une nouvelle Eglise qui se met en place.
Le roi, quant à lui, accepte le décret sur le serment en décembre
1790 bien avant même que le pape ne se manifeste sur la question.
Dans le Saumurois, à quelques dizaines de kilomètres à
l’est des Mauges, tout va très vite. Le 20 janvier 1791, 117 des
130 prêtres du district de Saumur tenus au serment l’ont déjà
prêté . Il est dès lors possible pour les autorités
de procéder dans les plus brefs délais à l’élection
des curés pour les différentes cures. Au soir du dimanche 12 février
1791, la totalité des paroisses est pourvue de prêtres constitutionnels.
Le contraste est frappant avec les Mauges où seulement 5 % des curés
ont prêté serment à la Constitution civile. Le manque cruel
de prêtres assermentés se fait sentir et ne permet pas d’envisager
les élections aussi rapidement que dans le Saumurois. « Où
prendre ? Où trouver ? » s’exclame Chouteau, le procureur
syndic du district de Cholet. Le constat de son successeur devant la faible
liste de prêtres assermentés est tout aussi éloquent : «
c’est ainsi que les épines sont mêlées de roses mais
ces fleurs sont malheureusement bien rares dans ce district ». Les premières
élections ont finalement lieu à Cholet le 17 avril 1791. La situation
est analogue dans le district de St-Florent-le-Vieil où cinq curés
seulement ont satisfait au décret concernant le serment. Les élections
se poursuivent jusqu’en octobre pour ces deux districts. Près de
huit mois après la fin des opérations de nomination dans le Saumurois,
les administrateurs des Mauges n’ont toujours pas achevé le remplacement
des prêtres réfractaires.
Comment faire prêter le serment constitutionnel au clergé réfractaire. Gouache. Collection Liesville, B.N.F., Paris. |
Le clergé constitutionnel attendu au tournant
La mise en place du clergé constitutionnel dans le Saumurois
ne posait alors pas de problème majeur. Les paroisses n’étaient
pas soumises aux nécessités de mutations de curés, puisque
le clergé avait en masse prêté le serment. L’Eglise
constitutionnelle était fondée, installée et organisée.
La tâche ne s’avérait pas aussi simple dans les Mauges au
regard du nombre de prêtres qu’il fallait remplacer. De leur côté,
les autorités, tout en étant conscientes de l’enjeu de l’installation
des prêtres assermentés, tentaient de se rassurer. A en croire
le rapport des deux commissaires Villiers et Boulet , les différentes
paroisses des Mauges paraissent, à quelques exceptions près, avoir
pris des dispositions favorables pour ce changement de prêtre : à
Jallais, le maire et les officiers municipaux garantissent que « quelle
que soit la diversité des opinions, ils sont très persuadés
qu’il sera installé sans difficulté, l’ancien curé
n’attendant que ce moment pour déménager ». Les municipalités
se veulent rassurantes mais jouent ici un double jeu. Elles se ménagent
pour le moment une attitude conciliante de la part des autorités supérieures,
mais ne tarderont pas à s’opposer à la venue du curé
constitutionnel.
Les paroissiens, quant à eux, n’hésitent pas à intimider
les fonctionnaires ecclésiastiques avant même leur venue. Le curé
constitutionnel Michel Martineau, nommé à St-Georges-du-Puy-de-la-Garde,
reçoit une lettre anonyme dans laquelle l’auteur tente d’ébranler
la conscience du prêtre : « Qu’est devenu ton amour pour Dieu
? Où est ta fidélité au serment de ton ordination ? Traître
perfide, parjure scélérat, ne te souviens-tu plus que tu conçus
en vain, il y a quelques années, l’espérance d’avoir
une épouse charnelle ? […] Crois-moi, si tu comptes avoir l’église
de St-Georges pour épouse spirituelle, tu seras plus irrémédiablement
frustré de celle-ci que de l’autre ».
Les habitants ne tardent pas à se faire une idée de leur futur
pasteur. Les curés constitutionnels ont été devancés
par une bien mauvaise réputation comme le souligne René Raimbault,
maire de St-Quentin-en-Mauges, à propos d’Yves Laurent. A Liré,
les paroissiens ne veulent pas d’un prêtre libertin et ils lui font
savoir : « nous savons que nous ne devons recevoir un être de votre
espèce qui il y a moins de six mois était vautré dans les
plus grands désordres […], que vous étiez un ivrogne, un
libertin du premier ton ». Les avertissements prennent parfois des formes
plus concrètes. A la Tourlandry, le curé Jean Cassidy, arrivé
quelques jours avant son installation, doit se réfugier dans le grenier
de l’auberge où il se restaurait afin d’échapper à
cent personnes venues selon lui « pour le tuer ».
François Peyre, directeur du séminaire d’Angers, nommé
à la cure du May-sur-Evre, va faire l’expérience de l’ambiance
qui règne dans ces paroisses avant son installation. Venu passer deux
jours chez Mesnard des Fossés, commandant de la Garde Nationale, il explique,
dans une lettre au département datée du 2 novembre 1791, avoir
subi « sottises, menaces, brocards, huées, provocations, tout ce
qu’il y a de plus révoltant » de la part de la population.
Résigné à ne pas se faire installer, il se rend chez le
juge de paix de Chemillé, Thubert, qui l’exhorte en compagnie du
maire Prévost « à ne pas se rebuter et qu’il fallait
au contraire qu’il prit possession dimanche prochain pour faire voir à
cette populace que leurs criailleries ne pouvaient l’intimider ».
Le curé reprend la route du May-sur-Evre et se détermine en compagnie
du maire de cette paroisse à prendre possession de la cure pour le dimanche
suivant : « Mon cœur n’a pas eu de peine à se rendre,
puisque le bonheur du peuple, le soutien de la vraie religion m’anime,
j’ai donc souscrit à leurs vives sollicitations ».
Rares sont les habitants qui souhaitent avec ferveur la venue du curé
constitutionnel. Pourtant, quelques patriotes se font entendre auprès
du département comme Gaillard de Tillières qui attend avec impatience
le curé Jamin, seule personne capable selon lui de ramener le calme dans
sa paroisse. A Landemont, c’est une pétition de trente et un paroissiens
qui réclame le curé Chastelain, récollet de Saumur, élu
le 22 mai 1791 : « Les exposants attendent avec empressement que ce nouveau
curé fidèle à son pays vienne prendre possession de sa
cure […], on aura soin de tenir un logement presbytéral prêt
à recevoir ce nouveau curé […], ils auront pour leur curé
constitutionnel tous les égards qui sont dus à la sainteté
de son ministère et au caractère dont il est revêtu ».
Qu’ils soient patriotes ou non, les habitants prennent conscience de l’importance
de la venue du curé constitutionnel dans leur paroisse. La tension monte
au fur et à mesure de l’approche de l’installation, à
la fois au niveau des autorités, dans la paroisse et chez les curés.
De toutes parts, l’on se prépare à cette échéance,
moment-clé pour la suite des événements.
Une scandaleuse intrusion dans la communauté
Dans les Mauges, les installations débutèrent
pour la plupart en mai 1791. Les municipalités avaient été
chargées de les organiser. Bien vite cependant, elles expriment des réticences.
Les commissaires Villiers et Boulet constatent avec étonnement que le
maire de St-Pierre-Montlimart « n’a pas paru disposé à
voir d’aussi bon œil le nouveau curé de St-Pierre qu’il
nous l’a déclaré dans notre procès-verbal ».
Le double jeu des municipalités est ici dévoilé. La tranquillité
de celles-ci n’était qu’apparente. A la Tourlandry, Melay,
la Poitevinière, la Séguinière, les autorités municipales
sont absentes le jour de la cérémonie d’installation. Delaunay,
le procureur général syndic du Maine-et-Loire, tente de rappeler
à l’ordre les officiers municipaux en leur faisant remarquer qu’ils
ont été nommés pour le maintien de l’ordre, la tranquillité
publique et l’exécution des lois. Cette intervention n’est
pas sans conséquences. Désormais, ce sont bien le département
et les deux districts qui doivent prendre en main l’organisation des cérémonies
d’installation. Et c’est là probablement que le déroulement
de celles-ci dérape : ce ne sont plus les paroissiens qui par le biais
de leurs municipalités vont investir leur nouveau pasteur, à l’inverse
des communautés du Saumurois où les curés constitutionnels
vont être soumis à un « contrôle populaire ».
Le prêtre est dès lors imposé sans aucun consentement de
la paroisse, et qui plus est par la force des gardes nationaux bien souvent
étrangers à la population locale.
Des détachements sont envoyés dans les différentes paroisses
des Mauges pour installer les curés constitutionnels par la force. La
venue des gardes nationaux a probablement eu un impact psychologique profond
sur la population. Le récit de Radigon, juge de paix de la Pommeraye,
opère en ce sens à propos de la mise en place de Symphorien Lebreton
: : « on vous cachera l’appareil ridicule qu’on mit à
l’installation de Monsieur notre curé constitutionnel. On vous
taira l’espèce de mascarade que le dimanche 26 juin dernier on
introduisit dans l’église de la Pommeraye [qui] fit reculer d’horreur
une infinité de personnes qui se disposaient à assister à
la messe du prêtre assermenté. J’atteste, Messieurs, que
le corps de sapeurs qu’on fit entrer dans l’église avec la
garde nationale, que ces sapeurs, que vous eussiez jugés à leur
mine, vouloir ouvrir une tranchée ou préparer un assaut, firent
peur à bien des gens de la campagne, qui n’étaient pas accoutumés
à voir un costume aussi effrayant. De là, Messieurs, cette répugnance
que mes concitoyens ont montrée depuis pour les offices célébrés
par les prêtres constitutionnels ».
Le mécontentement des paroissiens est d’autant plus grand qu’ils
doivent régler les dépenses occasionnées par la venue de
ces troupes. Renou, le procureur syndic du district de St-Florent-le-Vieil,
rapporte à ce sujet que les gardes nationaux dépêchées
à St-Quentin-en-Mauges, St-Laurent-de-la-Plaine et la Poitevinière
ont nécessité « des dépenses qu’il a fallu
payer sur-le-champ. A ce sujet, les citoyens paisibles gémissent de tous
ces frais, et désireraient qu’ils fussent à la charge seule
des coupables ».
La Constitution civile du clergé et le serment sont alors perçus
comme une scandaleuse intrusion dans la solidarité de la communauté
rurale menaçant celle-ci de destruction en tant que noyau cohérent
et moral . Dans la plupart des paroisses des Mauges, le jour de l’installation
donne lieu à des agitations parfois violentes. Les villageois n’acceptent
pas de voir remplacer leur ancien curé par un étranger, un «
intrus » . A St-Quentin-en-Mauges, le maire René Raimbault exprime
ce malaise en signifiant à Yves Laurent « qu’il ne lui convenait
pas [...] de déposséder ainsi des curés aimés ».
La population locale, d’ « un sentiment unanime », n’accepte
pas de voir introduit dans la paroisse un ecclésiastique qui, du jour
au lendemain, déplace le prêtre réfractaire présent
le plus souvent depuis de nombreuses années . C’est ce qui différencie
encore une fois les Mauges du Saumurois où les ministres du culte restent
en place. A la Pommeraye, les paroissiens « ont gémi sur la perte
d’un curé qui leur était attaché et qu’ils
aimaient ». Tout ceci, mêlé au rejet du curé constitutionnel,
tend à provoquer des tensions visibles chez les paroissiens. A la Tourlandry,
le prêtre Jean Cassidy affirme avoir été « attaqué
» le dimanche matin de son installation « comme un voleur »
par des hommes, des filles et des femmes motivés selon lui par la municipalité.
Mais l’exemple le plus probant qui nous soit parvenu est sans conteste
celui rapporté par l’assermenté de St-Laurent-de-la-Plaine.
Placé au milieu de gardes nationaux venus de Chalonnes-sur-Loire et de
St-Florent-le-Vieil, le curé Jean Pirault fait route vers le bourg accompagné
de deux autres prêtres : Jacques-Antoine Coquille d’Alleux de Beaupréau
et Denis Renou de Ste-Maurille-de-Chalonnes. Le cortège est alors interpellé
par deux hommes qui assurent « que plus de quatre mille âmes [les]
attendaient, armés de bâtons pour s’opposer à l’installation
». Poursuivant leur marche, ils passent au milieu de « trois bandes
menaçantes ». Une fois célébrée la cérémonie,
la garde nationale se retire. « Ce fut alors que le trouble commença
[…]. On menaça les jours du sieur Renou et les miens ; nous ne
devions sortir ni l’un ni l’autre de St-Laurent ; nous y devions
trouver notre tombeau ». Deux gendarmes, qui avaient installé à
six kilomètres de là le curé de Ste-Christine, rétablissent
un peu le calme. Mais ne pouvant demeurer en sûreté dans la paroisse,
trois cents patriotes de Chalonnes-sur-Loire viennent tirer les curés
constitutionnels de ce mauvais pas. Jean Pirault, apparemment marqué
par l’événement, ne manque pas de constater que «
le danger avait été pressant ». La séparation est
effective entre d’un côté, le curé constitutionnel
qui dénonce le fanatisme et l’ignorance des habitants - «
malgré notre frayeur, nous ne pûmes nous empêcher de rire
de leur dévotion en les entendant chanter Santa Maria trut trut, ora
pro nobis coucou, coucou » - et la municipalité de l’autre,
qui déplore que les habitants de St-Laurent souffrent de « voir
une guerre pour un seul homme à qui la peur et l’imagination en
fait imposer ».
L’épreuve du premier office
Dans les Mauges, les curés constitutionnels vont éprouver
bien des difficultés à célébrer le premier office
dans leur nouvelle paroisse. La tâche est d’autant plus délicate
que pour certains, cette messe constitue leur première expérience
en tant que curé. Celui de Melay, Jean Thubert , le regrette d’ailleurs
: « il était jeune et, pour acquérir l’expérience,
que donnent l’âge et le travail, il eût bien préféré,
pour un temps, l’état de vicaire à celui de curé
». Il n’avait cependant pas le choix : « il fallait consommer
les remplacements pour empêcher les progrès du schisme, que les
prêtres non assermentés prêchèrent partout ; il voulait
aider à en préserver son pays ».
La célébration de la cérémonie d’installation
s’annonce sous de mauvais auspices. A Melay et à la Tourlandry,
les curés constitutionnels Thubert et Cassidy trouvent les portes de
la sacristie ouvertes, exposant les ornements et les vases sacrés aux
éventuels voleurs. Mais le véritable voleur aux yeux des paroissiens,
c’est le curé constitutionnel qui profane le lieu saint. La maison
de Dieu n’est plus, tous les excès y sont désormais possibles.
C’est ce que semble signifier la « merde » que le curé
de St-Quentin-en-Mauges Yves Laurent retrouve sur son église.
La présence de l’assermenté dans l’église porte
atteinte au caractère sacré de celle-ci pour les paroissiens.
Dès lors, le lieu saint souillé devient la demeure de l’impie
qu’on n’hésite pas à détériorer. A St-Lambert-du-Lattay,
le procureur de la commune raconte à quel point « la surprise fut
extrême, arrivant à l’église pour l’installation
de trouver les autels dépouillés, les cierges sans bougies ; que
ces rebelles à la loi ont poussé l’effronterie jusqu’à
enlever ou faire enlever la pierre sacrée de l’autel de la Vierge,
et comptant n’être pas découverts dans leur abominable projet,
on y mit en place un carreau d’ardoise, pareil à ceux dont est
carrelée l’église ». Il ajoute que malgré tous
les soins déployés à cet effet, « on ne put parvenir
à trouver les ornements ». Certaines municipalités n’hésitent
pas même à demander des cautions aux curés pour garantir
ces habits sacerdotaux, comme à Melay ou St-Quentin-en-Mauges.
Et quand bien même on les trouve, leur état laisse à désirer.
C’est du moins ce que souligne Jules Dunan, curé de la Poitevinière
: « nous n’avons trouvé à la sacristie pour tout linge
qu’une aube rapiécée et dégoûtante et dont
on n’a pu se servir, avec un calice et un ciboire vide dans le tabernacle
[…] toutes les hosties consacrées ont été enlevées,
ainsi que les Saintes Huiles ». La municipalité s’en défend
néanmoins : « Monsieur le vicaire a déclaré qu’il
ne restait plus d’hostie dans le ciboire, que les Saintes Huiles étaient
entre ses mains, qu’il les eut remises au sieur Dunan s’il n’était
pas parti immédiatement après son installation ». Bonne
ou mauvaise foi, qui croire ? Toujours-est-il que, dans ces conditions, il est
inconcevable de proposer un office digne de ce nom, ce qui contribue à
accentuer le rejet du curé constitutionnel considéré comme
incapable d’accomplir le service divin.
Alors que le culte constitutionnel s’organise dans le calme du côté
de Saumur, il n’en est pas de même dans le sud-ouest du Maine-et-Loire.
Les prêtres assermentés nommés dans les Mauges ne s’attendaient
probablement pas à une réaction aussi rapide et violente des populations.
Jean Thubert résume très bien cela : « il était loin
de s’attendre à un pareil sort quand il accepta cette cure. Tout
l’invitait à s’y placer, le choix de ses électeurs,
le vœu de ses concitoyens de Chemillé, le voisinage de son pays
natal, qui n’est qu’à une demi-lieue », mais une fois
sur le terrain il s’exclame : « Vain espoir ! Il ne savait pas à
qui il avait affaire ». Il y a là un constat d’échec
quant à l’introduction d’une nouvelle Eglise dans les paroisses
des Mauges. Les divisions entre populations et curés constitutionnels,
révélées par l’installation, vont désormais
s’accentuer irrémédiablement.
Le curé constitutionnel, un catalyseur de ruptures sociales
Par sa seule présence ou par ses interventions dans
la paroisse, le curé constitutionnel provoque des réactions plus
ou moins fortes au sein de la communauté dans laquelle il vit. Les populations
se crispent et se divisent à propos de l’adhésion ou non
à la cause du prêtre assermenté. C’est autour de celui-ci
que se noue le conflit. La présence du clergé constitutionnel
dans les Mauges tend à accroître les tensions chez les paroissiens,
tant dans la vie spirituelle que temporelle. Le curé constitutionnel
doit s’imposer à ses fidèles comme le seul prêtre
légitime de la paroisse. Mais cette ambition est contrariée par
les actions des prêtres réfractaires qui entendent bien rallier
à leur cause le plus grand nombre d’habitants. A Roussay, Guy Duboueix,
curé depuis 1781 et qui a prêté le serment, ne parvient
pas à retenir à son office les fidèles qu’il côtoie
depuis bientôt dix ans. Toutes ses cérémonies sont interrompues
faute de paroissiens. Il accuse son vicaire, le réfractaire Gautret,
d’avoir persuadé certaines personnes de la paroisse de s’être
« rendues coupables d’autant de sacrilèges qu’elles
ont assisté de fois à [ses] offices ». La déchirure
du clergé paroissial est ici profonde : elle tend à aggraver les
tensions entre la communauté rurale ralliée au réfractaire
et la minorité patriote qui soutient l’assermenté .
Les quelques rares fidèles subissent une pression psychologique de tous
les instants. Les paroissiens s’opposent à leur entrée dans
l’église comme à la Tourlandry, où même les
enfants ne peuvent venir en sécurité assister aux exercices du
catéchisme selon les mots du curé constitutionnel Jean Cassidy.
Le fidèle devient un enjeu crucial pour les curés constitutionnels
sans lequel leur rayonnement est nul, mais il est également d’un
secours précieux pour les prêtres qui n’ont plus de personnel
pour servir la messe. A St-Pierre-de-Chemillé, comme il n’y a pas
de vicaire, le citoyen Bourmeau se doit « de chanter les grandes messes
et vêpres, d’assister aux enterrements et baptêmes, d’arranger
les ornements de l’église et de monter tous les jours l’horloge
et la soigner, de plus de sonner matin et soir à toutes les cérémonies
». Yves Laurent, de son côté, attache une très grande
importance au soutien de son sacriste : « sans son secours, j’eusse
quitté St-Quentin ».
La mise en cause par les prêtres réfractaires de la validité
des sacrements administrés par les curés constitutionnels déplace
la lutte sur le plan spirituel et déclenche une véritable bataille
des sacrements . En premier lieu, les paroissiens des Mauges ne font pas baptiser
leurs enfants par le prêtre assermenté du village. Ils ont recours
aux services des réfractaires de leur paroisse ou bien de bourgs voisins.
A Cossé, Toussaint Walframbert remarque que deux enfants sont nés
dans sa paroisse mais qu’ « on les a fait baptiser à Melay,
sans l’en prévenir ». Même certaines autorités
peu scrupuleuses n’hésitent pas à en faire autant comme
Guérif, administrateur du directoire du district de St-Florent-le-Vieil,
au sujet duquel Clémenceau, procureur de la commune de St-Florent-le-Vieil,
fait un rapport au département : « Vous devez sentir combien une
telle conduite de la part d’un homme placé dans un poste constitutionnel
et chargé de faire exécuter les lois peut dangereusement influencer
l’opinion d’hommes faibles et peu instruits, surtout dans un pays
où le patriotisme est à peine connu ».
L’évêque constitutionnel Hugues Pelletier a beau protester
dans un mandement « fût-il excommunié, suspendu, interdit,
irrégulier ou dégradé, le prêtre pêche en célébrant
la messe ; mais ce qu’il fait est valide », les paroissiens s’entêtent
à boycotter les services des assermentés, notamment pour le sacrement
du mariage.
Hugues Pelletier, évêque constitutionnel d'Angers |
Le mariage le plus mouvementé en cette période de troubles fut sans conteste celui de Victoire-Marie Revelière et de Amable-Jean Tharreau, négociant au May-sur-Evre, frère de François-Charles Tharreau, membre du directoire du district de Cholet. Le père de l’épouse, Gilles Revelière, exigeait que le curé constitutionnel de Notre-Dame de Cholet Emmanuel, La Crolle, célèbre le mariage : la mère et la fille, au contraire, désiraient qu’il soit célébré par un prêtre insermenté. Victoire-Marie Revelière envoya le frère de son époux au domicile de son père pour qu’il accepte ses conditions. François-Charles Tharreau présenta une longue requête au tribunal du district, précisant que : « son opinion religieuse, fût-elle une erreur, ne peut jamais être un délit ». Gilles Revelière céda et le mariage fut célébré peu après dans l’église du May-sur-Evre par le curé réfractaire Coulonnier. Cette affaire, qui selon l’Anjou Historique fit grand bruit, fut probablement une humiliation de plus pour le clergé assermenté que les patriotes ne pardonnèrent pas à la mère de la mariée .
L'église Saint-Michel
du May-sur-Evre, surnommée "le géant des Mauges".
C'est très probablement dans cette église qu'eut lieu
le mariage de Victoire-Marie Revelière et Amable-Jean Tharreau
célébré par le réfractaire Coulonnier. La
flèche de l'édifice a été abattue pendant
la Révolution et reconstruite en 1804. |
Les sépultures sont le plus souvent bâclées où comme
à Cholet « les corps morts que l’on ne peut se dispenser
d’apporter pour les inhumer sont abandonnés à la porte,
c’est avec peine que l’on trouve des porteurs. Aucun convoi ne les
assiste. Deux fois à l’aspect de la croix lorsque le curé
est venu faire la levée de ces cadavres, le peuple s’est comporté
avec la plus grande indécence, a hué le curé et les assistants
».
Le 23 juillet 1791, une curieuse sépulture eut lieu à la Séguinière.
Alors que la cérémonie à l’église se terminait,
« les porteurs sortirent le corps de l’église et le portèrent
au cimetière très vite malgré que Monsieur le curé
leur ait observé de rester derrière lui et de ralentir leur marche,
que le corps était rendu au cimetière que le curé n’était
pas à moitié chemin. Les porteurs n’attendirent pas que
le prêtre eut fait les cérémonies d’usage avant de
mettre le corps dans la fosse, qu’ils l’y jetèrent et que
le jeune Guinefoleau fit plusieurs éclats de rire sur ce que Monsieur
le curé lui représenta ses torts, Guinefoleau lui dit qu’il
n’était pas dans le cas de l’empêcher de rire ».
Cet exemple atteste une fois de plus de la disparition du sacré dans
les cérémonies des ministres du culte constitutionnel.
Dans cette bataille des sacrements, certains curés constitutionnels contre-attaquent
en refusant de faire l’enterrement des enfants non baptisés. Le
maire de la Jumellière, Raimbault, constate le refus du curé constitutionnel
Charles Cailleau d’enterrer un enfant le 24 novembre 1791. En conséquence,
le maire ordonne aux sacristes de se charger de cette tâche et de «
faire la fosse dans un coin du cimetière ». Le curé persiste
dans son refus puisque le paroissien Jacques Baumard est dans le même
cas : « n’ayant point trouvé de parrain et de marraine pour
son enfant mort d’aujourd’hui, ne l’ayant pas porté
à l’église, Monsieur le curé refuse de l’inhumer
».
En décembre 1792, le curé de St-Lambert-du-Lattay, Pierre Dubourg,
résume bien la situation à laquelle sont confrontés les
curés constitutionnels des Mauges face à ces habitants qui inhument
leurs morts eux-mêmes, quand ils ne dédaignent pas les laisser
aux portes des églises : « les municipalités ont-elles droit
de soustraire les morts à la sépulture ecclésiastique ?
Peuvent-elles faire enterrer en terre sainte le corps des personnes qui refusent
de reconnaître l’Eglise catholique ? […] Ne suis-je pas le
fonctionnaire public ? Et une de mes principales fonctions dans le temps présent
n’est-ce pas d’inhumer les corps ?». Dubourg demande au département
la conduite qu’il doit tenir face à cela. Le problème est
bien là, les autorités ne donnent apparemment pas de consignes
aux prêtres constitutionnels sur ces questions éminemment religieuses.
D’ailleurs, le curé constitutionnel réitère ces questions
en février 1793, celles-là même que le curé de Beaupréau
se posait déjà au mois d’août 1791.
En somme, le prêtre assermenté perd peu à peu le caractère
sacré de son ministère et l’autorité religieuse accordée
traditionnellement à sa fonction. Jean Thubert, curé constitutionnel
de Melay, est en ce sens pris à parti par ses paroissiens dans l’exercice
même de ses fonctions : « plusieurs d’entre eux montèrent
jusqu’aux vitraux, y cassèrent des carreaux, à travers lesquels
ils insultaient le dit curé célébrant la messe en l’appelant
intrus, voleur, coucou , bête, ignorant et foutre gueux, que ces injures
redoublèrent au moment de l’élévation ». A
Landemont, le curé Jacques Despeignes est harcelé : « en
présence de tout le peuple à l’issue de la première
messe, ils ont menacé notre curé par paroles et par gestes. Les
plus acharnés, d’après les cris à l’assassin,
à la force prononcés injustement et à tort dans la sacristie
par ce Judic [prêtre réfractaire de la paroisse], ils se sont […]
présentés pour frapper le curé , et l’ont forcé
à se retrancher derrière l’autel ». A St-Aubin-de-Luigné,
le curé est représenté en diable, il est l’incarnation
même du mal.
Le curé constitutionnel de Saint-Aubin-de-Luigné, Antoine Besnard, pendu en effigie. On peut lire "Besnard est pendu Dieu en soit loué" |
Les prêtres constitutionnels des Mauges sont dérangés, voire
attaqués au milieu de leurs fonctions sacerdotales. L’autorité
attachée à leur fonction d’ecclésiastique n’est
pas respectée. De là, la population s’attache les services
de son ancien prêtre ou d’un prêtre réfractaire réfugié.
Mais ces derniers, pourchassés par les patriotes, ne sont pas toujours
disponibles.
Sans encadrement clérical, ces communautés des Mauges sont alors
le théâtre d’une flambée de religion sauvage . De
nombreuses processions nocturnes convergent vers des lieux comme St-Laurent-de-la-Plaine
où la Vierge serait apparue dans un chêne, ou encore à Notre-Dame
de Bellefontaine, traditionnel lieu de pèlerinage mais d’autant
plus fréquenté suite à ces événements. Les
curés constitutionnels sont témoins de ces processions comme Jean
Pirault à St-Laurent-de-la-Plaine ou encore comme Michel Martineau des
Gardes qui s’inquiète de cette ferveur populaire : « [par]
le civisme de mes concitoyens à retenir par la terreur des armes le concours
de trente à quarante paroisses qui se disposaient à venir de nuit
visiter notre église, ils se sont revanchés à Bellefontaine
où il s’est trouvé dit-on douze à quinze mille âmes.
Ils n’ont cependant pas perdu de vue leur premier dessein, mardi au soir
de ce mois, ils vinrent se présenter au nombre de douze à treize
cents peut-être davantage, mais ils furent repoussés par notre
garde nationale et contraints de se retirer. Cette nuit dernière nous
découvrîmes de l’éminence où nous sommes situés
plus de soixante processions qu’on distinguait dans les ténèbres
de la nuit à la clarté de leurs cierges allumés. Ils entouraient
notre coteau et on les entendait chanter le Salve Regina, les litanies de la
Sainte Vierge et les domine salvum fac regem. Depuis huit jours nous n’osons
dormir tranquilles d’autant plus que nous nous sommes assurés qu’ils
sont résolus de tout tenter pour exécuter leur premier dessein
[…]. Il vient d’arriver à St-Georges deux caisses de cierges
». Il y a là un glissement des fidèles vers une autonomie
religieuse.
En devenant des fonctionnaires salariés par l’Etat, les curés
constitutionnels ont perdu ce qui donnait au prêtre un caractère
sacré, à savoir l’institution divine qui le rendait apte
à remplir sa mission surnaturelle. C’est dans cet amoindrissement
de l’autorité ecclésiastique que va s’affirmer la
singularité des Mauges .
La vie impossible des jureurs
Si les prêtres assermentés éprouvent bien
des difficultés à exercer leur ministère, leur vie en dehors
de l’église n’est pas plus aisée. Les paroissiens
accentuent cet isolement par un boycott des services ou des ventes de produits
quotidiens nécessaires au prêtre et par un rejet de ses domestiques.
Yves Laurent n’ose plus sortir de chez lui : « il me faut […]
un homme pour faire mes commissions, ne trouvant pas ici mon nécessaire
; on refuse de me vendre, ou il faudrait payer le double, le triple ».
A Melay, des moyens radicaux sont employés pour approvisionner le curé
Jean Thubert : « Jacques Le Bleu, boulanger demeurant à Chemillé,
a déclaré que toutes les fois qu’il se rend à Melay
pour porter du pain au sieur Thubert, il est obligé de mener avec lui
un chien et d’être armé d’un fusil pour en imposer,
tant aux habitants femmes et enfants qu’il trouve dans son chemin et à
la porte de la dite cure ». C’est un véritable siège
qui s’organise pour affamer le curé constitutionnel et ainsi le
faire déguerpir. Le projet des habitants est clair ; le boulanger rapporte
leurs propos : « tu viens porter du pain à ton intrus, ce il n’en
mangera pas dans peu, nous sommes une demi-douzaine qui lui casserons les membres
».
Mis à part quelques patriotes, les paroissiens des Mauges sont très
majoritairement opposés aux nouvelles lois. Toute la communauté
s’est mobilisée derrière les curés réfractaires
et l’idée selon laquelle il faut sauver la religion. Hommes et
femmes de tout âge sont impliqués dans la lutte contre le curé
constitutionnel. Dans ce contexte, les femmes et les enfants jouent un rôle
important en participant à des actions violentes contre l’intrus.
A Beaupréau, l’avoué et commissaire des impositions Clémenceau
est témoin des propos d’une femme appelée « la grande
Marion » qui « criait à une vingtaine d’autres femmes
attroupées, en parlant de Monsieur Coquille [le curé constitutionnel]
qui venait de passer la […] rue : c’est un gueux, un scélérat,
foutez-lui donc une rossée en passant, et que nous soyons délivrés
de ce jean-foutre là ». Certaines femmes n’hésitent
pas à diriger elles-mêmes des troubles. Henriette Boussion, lors
d’une messe à Roussay, ouvre les portes de l’église
et « fait des farces » sur le curé. Elle insulte les assistants
et a « engagé le peuple qui l’entourait et qu’elle
avait ameuté à en faire autant, à l’imiter ».
La domestique du curé Pierre Dubourg de St-Lambert-du-Lattay, accompagnant
celui-ci sur la route de Chemillé, « fut insulté par dix
ou douze garçons accompagnés d’une centaine de femmes qui
les sollicitaient à lui faire un mauvais parti ».
Pour T.Tackett, ces troubles menés par des femmes s’expliquent
dans le sens où, « en vertu de la nature inférieure et du
caractère irresponsable qui leur était généralement
prêtés, elles bénéficiaient d’une certaine
liberté lorsqu’elles se livraient à ce genre d’action
et étaient de fait à l’abri des poursuites. En un certain
sens, les actions violentes menées par les femmes ont pu revêtir
une certaine autorité morale en tant qu’expression de la conscience
collective de la communauté ». En quelque sorte, les actions violentes
sont légitimées par l’innocence qu’on accorde aux
femmes et aux enfants.
La capacité des paroissiens des Mauges à la violence est visible
et inquiétante pour les autorités des districts ou du département.
Mais ce qui paraît plus dangereux encore, c’est cette habitude à
la violence que les Maugeois ont développée. La lutte quotidienne
contre le curé constitutionnel, systématique et presque ludique
pour les plus jeunes, plonge la communauté dans un climat de haine de
plus en plus intense chaque jour, prélude à un soulèvement
de plus grande ampleur. Les curés constitutionnels tentent de réagir
mais leur champ d’action est bien réduit.
L’un des premiers réflexes des curés constitutionnels des
Mauges est de dénoncer aux autorités les meneurs de troubles.
C’est le cas d’Yves Laurent qui dénonce Briand, le maire
de la paroisse voisine de Ste-Christine. René Martinet, curé constitutionnel
de la Chapelle-St-Florent, dénonce « madame Pont qui forme tous
les jours chez elle un rassemblement considérable de prêtres réfractaires
». A Melay, une carte du bourg recense les habitants aux comportements
hostiles au curé constitutionnel.
Plan anonyme de la paroisse
de Melay localisant les opposants au curé constitutionnel Jean
Thubert |
A défaut de pouvoir se défendre correctement, les prêtres
assermentés tentent de se soutenir les uns et les autres. Cette entraide
se manifeste par une collaboration dans la préparation de cérémonies
par exemple . Les ecclésiastiques essaient de faire preuve de cohésion
afin de présenter une Eglise constitutionnelle unie au moins en apparence.
Celle-ci se manifeste concrètement lors de la sépulture du curé
de St-Laurent-de-la-Plaine, Jean Pirault, décédé la veille
le 23 avril 1792. En effet, le curé constitutionnel est inhumé
en présence de cinq prêtres assermentés des Mauges, à
savoir Symphorien Lebreton de la Pommeraye, Michel Piou de Montjean-sur-Loire,
Denis Renou de Ste-Maurille-de-Chalonnes, François Brideau de Notre-Dame-de-Chalonnes
et Jean Hulin de Ste-Christine. A cette occasion, le clergé constitutionnel
se montre soudé à défaut d’être appuyé
par les autorités républicaines.
Mais face à la pression quotidienne de leurs paroissiens, certains curés
constitutionnels « craquent » ou plutôt règlent leurs
comptes eux-mêmes en employant la force, ce qui contribue à aggraver
la position de ces hommes de paix. A Landemont, le curé réfractaire
Judic, septuagénaire, se plaint d’une agression perpétrée
sur sa personne par l’assermenté Jacques Despeignes. Vexé
de n’avoir pu dire la messe avant le réfractaire, Despeignes se
rend à la sacristie : « il y revint comme un furieux à son
ordinaire, et arrivant à moi me donna un si grand coup de coude par le
visage, que peu s’en fallut qu’il m’eut renversé, et
en me tirant mes clefs avec violence il m’égratigna un doigt jusqu’au
sang ».
Ces comportements violents des curés discréditent encore plus
leur position aux yeux des paroissiens. Ils sont pris dans un cercle vicieux
infernal dans le sens où ils sont obligés de se défendre
; certains emploient d’ailleurs pour cela des moyens radicaux, ce qui
augmente inévitablement la haine à leur égard. De plus,
d’une paroisse à l’autre, l’amalgame est vite réalisé
entre les curés les plus virulents et les autres assermentés.
Pour les paroissiens, le curé constitutionnel est un homme animé
de passions violentes.
Les prêtres assermentés, inquiets des comportements agressifs de
leurs paroissiens, décident de s’armer pour assurer eux-mêmes
leur sécurité. Toutefois, les armes qu’ils portent inquiètent
les habitants mais ne leur imposent pas le respect. A St-Quentin-en-Mauges,
le maire Raimbault écrit à propos d’Yves Laurent que «
les armes qu’il a toujours à la main lorsqu’il paraît
en public et qu’il paraît toujours vouloir porter, selon qu’il
nous l’a lui-même manifesté, ne pourront tout au plus que
le faire redouter et exciter l’indignation, loin de lui gagner le respect
de ses paroissiens ». Et le curé lui-même est bien obligé
d’admettre que cela n’a pas d’effet : « ennuyé
de n’avoir de repos ni jour ni nuit j’ai pris les armes ; j’ai
couché en jou, et cela sans tirer, ni faire feu, n’ayant dessein
que de faire peur ; mais cela n’a servi qu’à faire ramasser
le monde un moment, et on a toujours continué ».
Après plusieurs mois de conflit avec les paroissiens, des signes de faiblesse
se font sentir au sein du clergé constitutionnel. Certains curés
quittent momentanément leur paroisse ou résident dans une paroisse
voisine et ne se déplacent que pour officier. Mais pour d’autres,
le départ est définitif. Jean Thubert réside par prudence
chez son père à Chemillé. Celui de Beaupréau, Jacques
Coquille, décide de se retirer le 16 octobre 1791 pour quelques temps
à Chalonnes-sur-Loire, car la municipalité ne s’est pas
engagée par écrit à lui assurer sa sécurité.
Le plus souvent, les fonctionnaires ecclésiastiques s’établissent
en ville, auprès des autorités. C’est le cas à Cholet
comme l’explique de Beauveau, le procureur-syndic du district de Cholet,
le 22 mai 1792 : « plusieurs de ces messieurs trouvent ou paraissent trouver
la ville de Cholet plus agréable que leur presbytère. Ils semblent
disposés à exécuter la loi de résidence à
peu près comme les évêques de l’ancien régime
». Pire, certains curés quittent définitivement leur paroisse
dès 1792 comme Oger de Chaudron-en-Mauges chassé par ses paroissiens,
Pierre-Charles Boillet de St-Macaire-en-Mauges, Jean Cassidy de la Tourlandry
ou encore Jacques Despeignes de Landemont. Tous ne seront pas remplacés
; l’Eglise constitutionnelle perd ses membres dans les Mauges les uns
après les autres.
« Derrière les prêtres, les peuples »
La présence des prêtres assermentés dans
les paroisses des Mauges et du Saumurois révèle et renforce les
convictions religieuses des populations. Mais elle contribue aussi à
clarifier les positions politiques des paroissiens. Religion et politique sont
étroitement mêlées. Et derrière les curés
constitutionnels se dévoile tout un réseau de patriotes qui ont
saisi l’enjeu politique de la présence de ces prêtres. Mais
l’Etat commence à manifester des signes de lassitude et tend à
réduire le curé constitutionnel au simple rôle de délégué
spirituel.
La neutralité est impossible. Quand on choisit un curé, on choisit
son camp. Dans les Mauges, selon Charles Tilly, « les modérés
étaient coincés entre les factions. La simple inévitabilité
d’un choix entre l’assistance et la non-assistance à la messe
du curé constitutionnel dans une campagne où la fréquentation
de l’église avait été quasi universelle forçait
les indécis à se placer dans un camp ou dans l’autre. Cette
décision prise, les extrémistes de chaque camp pressaient ceux
qui s’étaient rangés à leurs côtés à
donner d’autres preuves de foi. Les preuves contre-révolutionnaires
prirent la forme d’assistance aux cérémonies religieuses
clandestines, de refus de coopérer avec les autorités révolutionnaires,
de soin appliqué à éviter tous les signes extérieurs
du patriotisme ».
En conséquence, le curé constitutionnel joue un rôle politique
dans l’œuvre révolutionnaire. C’est un homme au service
de la Nation, utilisé comme pilier des réseaux de patriotes. Pour
l’Etat, il est avant tout un instrument politique notamment dans le travail
de circonscription des paroisses.
Au sud de Chemillé, à St-Georges-du-Puy-de-la-Garde, une famille
s’illustre particulièrement par son engagement dans la Révolution
: les Martineau. La commune est à l’époque divisée
en deux avec d’un côté le bourg de « St-Georges »
et de l’autre « les Gardes ». Pour les commissaires Villiers
et Boulet, la situation est claire : « nous nous sommes convaincus qu’il
y avait dans cette paroisse deux partis, celui de l’ancien curé
adopté généralement par les habitants du bourg de St-Georges,
et celui du nouveau curé soutenu par les habitants de celui des Gardes
». Le nouveau curé, c’est Michel Martineau, devenu prêtre
constitutionnel en avril 1791 par la volonté de son père. Ce dernier
était le chef des patriotes des Gardes, un important négociant
en textile, appartenant à une riche famille de patriotes bourgeois, étroitement
alliée avec les familles de marchands de Chemillé et de St-Pierre
. Frères, oncles, cousins, toute la famille est impliquée dans
la lutte contre les partisans du vicaire réfractaire de St-Georges, Barbotin.
La famille Martineau fait donc bloc autour du curé constitutionnel, symbole
de son engagement dans la Révolution.
La Constitution civile de 1790 stipulait l’organisation
d’un immense remaniement de la carte des paroisses françaises.
Un long travail de circonscription est donc entrepris par les révolutionnaires
qui se poursuit jusqu’en 1792. Les règles définies sont
les suivantes : les villes de moins de six mille habitants ne conservent qu’un
seul curé, et les paroisses rurales qui n’ont pas trois quarts
de lieue de côté seront supprimées. Le choc est considérable
chez les paroissiens, tant dans les Mauges que dans le Saumurois.
Très vite, les motifs de cette opération de circonscription deviennent
politiques. Il est bien difficile de trouver des curés assermentés
pour remplacer les réfractaires, si bien que la tentation est grande
de supprimer les paroisses de ces derniers même si elles ne répondent
pas aux critères définis par la Constitution civile . Dans cette
optique, le département suggère aux administrateurs du district
de St-Florent-le-Vieil de supprimer les paroisses de St-Laurent-de-la-Plaine,
Bourgneuf et Chateaupanne afin de se débarrasser des curés réfractaires
qui s’y trouvent. A Chemillé, le 30 juin 1791, des habitants demandent
à profiter du départ du curé de la paroisse voisine de
Melay pour la réunir à Chemillé où il y a des ecclésiastiques
assermentés et pour fermer l’église de la Chapelle-Rousselin
où il y a un réfractaire.
A Beaupréau, le projet de réunion des paroisses de St-Martin et
de Notre-Dame déchaîne les passions. De son côté,
la municipalité de Notre-Dame demande la réunion : « dans
les circonstances actuelles où les paroissiens de St-Martin-de-Beaupréau
ont toujours été en contrariété avec ceux de Notre-Dame
où la division des municipalités est nuisible, où la différence
des opinions occasionne quelques troubles, il parait nécessaire de réunir
en entier les deux paroisses pour ne former qu’une seule municipalité,
et n’avoir qu’un curé et deux vicaires. Cette réunion
devient encore plus pressée par la difficulté qu’on a à
trouver des prêtres assermentés ». Mais la municipalité
de St-Martin n’entend pas céder. En effet, les habitants de St-Martin
viennent de rebâtir leur église, celle-là même que
l’on veut fermer. Pour eux, la seule motivation de cette réunion
est l’intérêt personnel du curé Jacques Coquille :
« il est vrai que le curé constitutionnel de Beaupréau un
des plus ardents solliciteurs de ce décret en recevra un traitement plus
considérable ».
Les administrateurs réunissent les paroisses sans curés constitutionnels
à celles qui en sont pourvues. La présence d’un ecclésiastique
assermenté dans tel ou tel lieu conditionne donc en partie la politique
de la circonscription des paroisses.
L’année 1792 constitue une année charnière
pour le clergé constitutionnel dans le sens où il va être
mêlé au même titre que le clergé réfractaire
à une certaine proscription, annonçant l’orage à
venir.
Bien souvent les prêtres réfractaires emportent avec eux les registres
paroissiaux, véritable mémoire de toute la communauté.
De ce fait, les curés constitutionnels ne peuvent tenir correctement
ces registres. Yves Laurent déplore : « si je me trouvais obligé
de délivrer des extraits, je n’ai pas les registres ; je n’ai
que ceux de l’année courante. Quand on vous en demandera, m’a-t-on
dit, il faudra nous avertir. Mais je m’en donnerai bien de garde ; je
renverrai au greffe. Tous les curés ont ordinairement les registres ».
1792 est aussi une année décisive pour la question du recrutement
des curés constitutionnels. En 1791, les révolutionnaires élaborent
un décret pour les ecclésiastiques assermentés, qui dispense
jusqu’au 1er janvier 1792 de la nécessité d’avoir
cinq ans de service préalable en la qualité de vicaire. Au-delà
de cette date, ces cinq ans de service seront exigés pour prétendre
à être nommé à une cure, ce qui risque de limiter
grandement le nombre de candidats aux cures vacantes compte-tenu du jeune âge
en général des assermentés.
Un second serment est exigé en 1792 : le serment de
« Liberté-Egalité ». En effet, le 14 août 1792,
un décret oblige les ecclésiastiques à jurer « d’être
fidèle à la Nation et de maintenir la Liberté, l’Egalité
ou de mourir en la défendant ». Ce décret, qui sera étendu
à tous les citoyens début septembre, est suivi d’un second
le 26 août 1792, donnant quinze jours aux prêtres ayant refusé
le serment du 14 août pour quitter la France. Passé ce délai,
ils sont susceptibles d’être déportés en Guyane. Il
y a là une montée de l’anticléricalisme du gouvernement
qui tente de clarifier la situation entre véritables et faux jureurs.
Mais ces décrets nuisent tout autant au clergé constitutionnel
qu’au clergé réfractaire : c’est non seulement le
clergé réfractaire qui est proscrit mais également par
voie de conséquence son culte lui-même. Les curés constitutionnels
vont avoir de plus en plus de mal à justifier un culte que le gouvernement
s’emploie à combattre avec vigueur.
Dans le même temps, les autorités locales maugeoises manifestent
un certain mépris pour ces curés constitutionnels qu’ils
ne parviennent pas à imposer. A ce sujet, de Beauveau, le procureur-syndic
du district de Cholet, fait remarquer au procureur général syndic
du département qu’ « il ne faut pas laisser ces Messieurs
sous prétexte de leur patriotisme s’ériger en petits despotes
et devenir pires que leurs devanciers. L’on dira en faveur des prêtres
ou à leur désavantage tout ce que l’on voudra. Ce qui est
très certain c’est que l’Assemblée Nationale a bien
pu ôter leur casaque mais qu’elle ne parviendra jamais à
leur ôter leur esprit d’intolérance et de domination ».
Autrement dit, le district de Cholet, las des difficultés occasionnées
par ces curés assermentés, ne semble plus cautionner l’action
de ces prêtres. Le curé de Beaupréau, quant à lui,
fait part dans une de ses lettres de la mauvaise collaboration du district de
St-Florent-le-Vieil à son égard. Le clergé constitutionnel
commence à perdre un soutien pourtant indispensable.
L’Etat réduit peu à peu le prêtre à n’être
plus que son délégué spirituel. Les cérémonies
religieuses auxquelles participent en grande pompe les administrateurs des districts
et les gardes nationaux se muent insensiblement en manifestations à la
gloire de la Révolution grâce à la complaisance du clergé
. La tension est de plus en plus forte dans les Mauges. Les craintes d’un
soulèvement avancées par les curés constitutionnels et
les patriotes se confirment.
Les curés constitutionnels dans la tourmente de 1793
En 1793, le clergé constitutionnel traverse la période
la plus pénible de son histoire. Tour à tour, les prêtres
assermentés sont plongés dans la tourmente des Guerres de Vendée
puis exposés aux foudres de l’Etat qui entend de plus en plus se
débarrasser de ces fonctionnaires ecclésiastiques encombrants.
La tension est forte dans les Mauges en ce début d’année
1793, entre d’un côté les paroissiens et les curés
constitutionnels de l’autre. Le décret du 24 février ordonnant
la levée en masse de 300 000 hommes pour protéger les frontières
françaises est venu accentuer face à la Révolution une
hostilité déjà croissante et nourrie du débat religieux.
Les menaces pesant sur les ecclésiastiques assermentés se font
de plus en plus pressantes. Pour les paroissiens, le dénouement de plusieurs
mois de luttes est proche.
Dans les premiers jours de mars, plusieurs curés constitutionnels sont
désarmés ; c’est le cas de François Mélouin
à Andrezé, de Jean Dubourg à St-Lambert-du-Lattay ou encore
de Jean Hulin à Ste-Christine. Quant à Antoine Vallée,
curé constitutionnel de St-Florent-le-Vieil, il se rend au plus vite
à Angers au matin du 13 mars pour annoncer que partout les patriotes
se font désarmer et que la résistance s’organise dans une
exaltation extrême. Les Mauges sont désormais en ébullition,
divers groupes d’insurgés se forment. Très vite, les curés
constitutionnels sont faits prisonniers. C’est une première victoire
pour les habitants des Mauges, qui, après plus de deux ans d’opposition
à la Constitution civile du clergé et au serment, fustigent le
symbole même du culte constitutionnel.
Une véritable chasse au prêtre constitutionnel est lancée.
Le 11 mars 1793, à St-Lambert-du-Lattay, deux serruriers se présentent
à la porte de la cure, armés de fusils, de sabres et de pistolets
pour se saisir du curé Jean Dubourg : « vous ne sortirez pas, lui
dirent-ils, car vous allez chercher les patriotes pour nous écraser.
Si nous mourons, vous mourrez ». De la même façon, huit membres
du clergé constitutionnel des Mauges sont saisis entre le 13 et le 17
mars 1793. Le message est clair : le curé constitutionnel, chassé
pour des questions religieuses, est aussi poursuivi comme relais potentiel du
réseau des patriotes.
Une fois conquis le pays des Mauges, les insurgés portent leurs assauts
dans le Saumurois. Pour F.Lebrun, les allées et venues de l’armée
vendéenne ont « renforcé l’attachement de la République
à l’égard des « brigands » ». En effet,
le clergé constitutionnel craignait l’arrivée des paysans
insurgés. En cas de succès de l’armée catholique,
il savait que sa situation, sinon sa vie, seraient menacées ; une autre
juridiction ecclésiastique se substituerait à l’organisation
constitutionnelle . Les prêtres assermentés contribuent alors à
l’effort de guerre, comme Pierre Roblain, curé-maire du Puy-Notre-Dame
qui « fait boulanger pour les soldats de la République sans en
avoir demandé aucun paiement ». Les troupes de l’armée
catholique et royale avancent rapidement. Le 5 mai 1793, Thouars est prise ;
le 7 juin, c’est au tour de Doué-la-Fontaine. Puis Saumur, pourtant
défendue par plusieurs dizaines de milliers d’hommes, est prise
le 9 juin par l’armée vendéenne. Du même coup, le
clergé constitutionnel se doutait de son sort, d’autant plus que
certaines nouvelles peu rassurantes lui parvenaient, comme celle concernant
le curé constitutionnel du Puy-Notre-Dame qui avait vu sa maison pillée
par les insurgés.
Fuir ou rester ? Certains curés constitutionnels préfèrent
quitter la ville et revenir ultérieurement pour inciter leurs concitoyens
à rester fidèles à la République comme le curé
constitutionnel du Puy-Notre-Dame. Le curé de St-Pierre-de-Saumur Michel
Martin du Chesnay reste et rencontre même Jacques Cathelineau, le chef
des Vendéens. Les prêtres réfractaires de l’armée
vendéenne prennent possession des églises de Saumur. Par la même
occasion, ils entrent en contact avec les curés constitutionnels, dont
certains ne leur étaient pas inconnus puisqu’ils avaient fait leurs
études ensemble. Leur rencontre dut probablement ouvrir sur des débats
théologiques animés. Toujours est-il qu’après ces
conversations, plusieurs curés constitutionnels se rallient aux Vendéens
dont Pierre Hérissé, en charge de la cure de Cunault. Ce prêtre
devait avoir sa conscience bien tourmentée. Originaire de St-Rémy-en-Mauges,
il avait prêté serment une première fois le 13 février
1791 puis s’était rétracté au mois d’avril.
Il prêta le serment de nouveau ainsi que celui de Liberté-Egalité
le 5 octobre 1792. Ce parcours indécis éclaire bien son revirement
de 1793. En ce sens, les curés restés sur place pendant l’occupation
de Saumur ne vont pouvoir éviter les compromissions avec les Vendéens,
ni les représailles des patriotes.
La présence des Vendéens à Saumur ne fut pas bien longue.
Dès le 24 juin 1793, ils quittent la ville soit quinze jours après
leur arrivée. Les républicains reprennent possession de la ville
et y installent un comité révolutionnaire chargé d’identifier
les personnes soupçonnées de rébellion, de trahison et
d’incivisme. Les dénonciations ne se font pas attendre. Dans le
Saumurois, vingt-cinq prêtres sont arrêtés à l’automne
1793 pour cause de menées contre-révolutionnaires et d’intelligence
avec l’ennemi. Il leur est reproché d’avoir rétracté
leur serment de 1791 et pour certains d’avoir fait la lecture de la proclamation
des chefs vendéens et chanté le « Domine, salvum fac regem
». Les curés constitutionnels justifient leurs gestes par la volonté
d’éviter un pillage certain et de protéger leurs fidèles.
Mais leurs sentiments patriotiques demeurent intacts selon eux. Dans certains
cas, ce sont les paroissiens eux-mêmes qui soutiennent leur curé.
César Minier, prêtre de Nantilly, doit la vie à une pétition
de cent dix-sept de ses concitoyens.
Plusieurs prêtres saumurois furent mis en prison dont Charles Lefebvre,
curé de Montreuil-Bellay ainsi que Michel Martin du Chesnay, incarcéré
notamment pour le mauvais exemple qu’il donnait aux autres prêtres.
Les prisons de Saumur étant déjà bondées, les détenus
sont conduits à Orléans par Lepetit, membre du comité révolutionnaire.
Mais à Blois, pour des raisons confuses, ce dernier ordonne le massacre
des prêtres le 9 décembre 1793. Il les fait conduire au bord d’une
rivière, les fait fusiller et jeter à l’eau « après
qu’on les eut dépouillés de leur argent, de leurs bijoux
et de leurs vêtements ». D’autres prêtres seront arrêtés
dans les premiers mois de 1794 pour des motifs futiles : Leroyer, curé
de Cizay, est mis aux arrêts parce que son frère est émigré.
Denis Foucques, vicaire de Dampierre, fait la classe sans avoir de certificat
de civisme. Mais ces prêtres échappent à la mort.
Les événements de Saumur poussent les révolutionnaires
dans une politique très dure envers les ministres du culte. Ces prêtres
qui avaient juré fidélité à la Nation et à
la Loi se sont montrés capables de renier leur serment plusieurs années
après l’avoir prêté. L’amalgame entre prêtres
réfractaires et curés constitutionnels est fait. Le pouvoir les
assimile désormais aux ennemis potentiels de la République et
de la Révolution.
La liquidation du clergé constitutionnel
Déjà très affaibli par les troubles occasionnés
par les Guerres de Vendée, le clergé constitutionnel va subir
les attaques répétées de l’Etat qui entend bien précipiter
le culte constitutionnel à sa fin par divers moyens.
A l’automne 1793, la vaste entreprise de déprêtrisation commence.
Pour les révolutionnaires, il s’agit d’éliminer avec
les prêtres « une source d’opposition politique majeure du
fait de leur influence sur les « esprits crédules » ».
La loi du 22 novembre 1793 permet aux curés d’abdiquer contre huit
cents livres de pension par an. Dans le Maine-et-Loire, deux cents prêtres
environ abdiquent dont l’évêque Hugues Pelletier parmi les
premiers. Ils renoncent à leur état et rendent leurs lettres de
prêtrise. Il reste que les curés constitutionnels n’abdiquent
pas tous pour les mêmes raisons. Pour les uns, il s’agit bien d’une
volonté de quitter l’Eglise, mais pour les autres, l’abdication
s’apparente plus à un geste réalisé par appréhension
que par conviction.
Certains prêtres déposent effectivement leurs lettres de prêtrise
à cette occasion, mais d’autres expliquent qu’ils les apporteront
plus tard ou tout simplement qu’ils ne les ont plus. De nombreux curés
rapportent qu’elles ont été prises et brûlées
par les « brigands » de l’armée catholique et royale,
ce qui les dispensent de les remettre. C’est le cas de Pierre Dubourg,
curé constitutionnel de St-Lambert-du-Lattay, dont la majeure partie
des effets et surtout ses livres et papiers ont été déchirés
puis brûlés par les Vendéens. Or ce curé reprend
le culte après le Concordat. Avait-il gardé ses lettres de prêtrise
dans l’optique de réintégrer un jour l’Eglise ?
Certaines déclarations sont de véritables attaques contre l’Eglise
et la religion catholique. Parmi celles-ci, l’abdication du curé
constitutionnel de Beaupréau, Jacques Coquille, est à souligner
: « il y a un an que j’avais demandé à la Convention
l’abolition du culte romain, aujourd’hui que l’esprit public
marche à grand pas vers la vérité, et que la philosophie
triomphe elle précédera ma profession de foi : les brigands de
la Vendée m’ayant brûlé mes lettres de prêtrise,
avec mes effets, je ne puis en faire un autodafé. Je déclare,
citoyens administrateurs, que je renonce à l’exercice de mes fonctions
ecclésiastiques, que je crois qu’un prêtre romain est un
être aussi dangereux qu’inutile dans une république aussi
vaste que la République française et que s’il y avait des
représentants de Dieu sur la terre, cette glorieuse prérogative
n’appartiendrait qu’à l’homme libre ». René
Vilneau, curé constitutionnel de Varrains dans le Saumurois, exprime
la même révulsion : « le sacerdoce est une profession qui
ne peut que prolonger l’enfance de l’homme et empêtrer la
raison dans sa marche ; en conséquence, je lui ai laissé les voies
libres en me démettant de mon titre de curé ».
La Révolution demande à la conscience une adhésion quasi
religieuse qui ne peut coexister avec la foi chrétienne . Il y a pour
ces prêtres une incompatibilité de leur fonction avec l’idéal
révolutionnaire. Pierre Robin, curé constitutionnel de Trémentines,
abdique : « je donne volontiers ma démission de ma cure […]
parce que je crois que ces fonctions sont incompatibles avec le système
républicain ». Pour ces prêtres, religion et Révolution
ne peuvent faire bon ménage.
L’entreprise de déprêtrisation se poursuit. Mais cela n’est
pas suffisant. Les révolutionnaires veulent frapper plus fort en préconisant
le mariage des prêtres pour les soustraire définitivement à
l’Eglise. Dans les Mauges, le premier à exprimer cette volonté
est Jacques Coquille. Jugé trop vieux pour aller se battre aux frontières
alors qu’il réclamait son enrôlement, le curé constitutionnel
se serait écrié : « trop vieux pour me battre, je ne serai
du moins pas trop vieux pour aimer ! ». Et de fait, ce membre influent
de l’Eglise constitutionnelle se marie à Angers avec une de ses
paroissiennes, Louise-Marie Vivier, le premier octobre 1793, avant même
son abdication. Pour lui, ce geste est naturel : « demander si un prêtre
peut se marier, c’est demander s’il est un homme ».
Les révolutionnaires devaient se féliciter de ces exemples de
soumission ; les Affiches d’Angers publièrent d’ailleurs
le discours de mariage de Coquille le 18 octobre 1793. De plus, ces unions étaient
encouragées comme exemples concrets de renonciation au fanatisme . Le
meilleur exemple en ce sens est le mariage de Joseph Meignan, curé de
St-Jacques-de-Saumur, le 15 novembre 1793. La cérémonie est l’objet
d’une démonstration patriotique. Le curé et sa future épouse
Anne-Louise Thoreau « arrivèrent escortés d’un grand
nombre des membres du comité révolutionnaire de l’administration
du district et d’une foule de citoyens des deux sexes ». L’officier
d’état civil, le citoyen Cailleau, prononça alors un discours
où « il montra la raison et la philosophie remportant la victoire
sur de vains préjugés ». Le procès-verbal de ce mariage
fut imprimé en mille exemplaires.
Pour les révolutionnaires, le mariage était le moyen le plus sûr
de détacher les prêtres abdicataires de l’Eglise, ce qui
revenait à violer l’une des lois essentielles de la discipline
ecclésiastique . Pour les prêtres, mis à part les quelques
exemples précédents, le mariage permettait de lever les soupçons
sur leur bonne foi patriotique. En effet, par son décret du 20 novembre
1793, la Convention exemptait de déportation tout ecclésiastique
marié, même réfractaire.
Les jureurs victimes de la Révolution
L’Etat poursuit sa politique draconienne contre les curés
constitutionnels jusqu’à l’arrêt du culte. Les prêtres
assermentés qui ont souhaité continuer leur ministère doivent
désormais le faire clandestinement.
Dès la mi-novembre 1793, plusieurs pillages dévastent les églises
de Saumur. Les objets du culte sont saisis. Pour L.Gallard, dans le district
de Saumur, « la réquisition de l’argenterie sacrée,
la laïcisation du clergé et la fièvre révolutionnaire,
tout se conjuguait pour amener l’arrêt du culte catholique ».
Devant ce désordre, le comité révolutionnaire et le conseil
général de la commune décident le 22 novembre 1793 «
d’affecter chaque église à une section pour les réunions
avec modifications des noms, Temple de la Fraternité […]. Le temple
devant servir à tous les citoyens, il faut enlever tous les signes et
objets qui sont particuliers à un culte. Ceux qui voudront s’y
réunir pour un culte en feront la demande à l’assemblée
pour en fixer les heures. Aucun ministre du culte, ni ecclésiastique
ne pourra faire d’acte relatif au culte, sauf le cas particulier à
l’assemblée». Cette mesure déguisée suppose
l’arrêt du culte par la fermeture des églises aux curés
constitutionnels et à leurs fidèles.
Plus de lieu de culte, plus de religion : c’est ce que semble penser le
comité révolutionnaire qui écrit à la Convention
Nationale le 13 décembre 1793 sur un ton victorieux : « la Raison
et la Philosophie ont terrassé, dans nos murs, le fanatisme et les préjugés.
Nous vous adressons les dépouilles des tabernacles et des sacristies
de toutes les églises de Saumur […]. Il n’existe plus de
prêtres, par conséquent plus de messes ici. Tous les suppôts
du fanatisme ont ouvert les yeux à la lumière et ont proclamé
la confession de leurs erreurs à la face du peuple. Nous ne connaissons
plus d’autre Dieu que la Patrie, l’exécution des lois et
la propagation des principes éternels de la morale universelle ».
Les curés constitutionnels sont abandonnés par l’Etat, sans
traitement, sans église et bientôt sans presbytère par la
loi du 17 novembre 1794 qui affecte les maisons curiales au logement des instituteurs
et à la tenue des classes.
Pourtant, malgré toutes les entraves auxquelles il doit faire face, le
culte constitutionnel ne disparaît pas complètement. Les curés
demeurent dans le district de Saumur au milieu de leurs paroissiens. Certains
n’hésitent pas à poursuivre le culte. Ainsi, plusieurs communes
sont dénoncées le 19 février 1794 « parce qu’elles
continuent à avoir des grand’messes, ce qui fait schisme avec les
paroisses voisines qui n’en ont plus ».
Les curés constitutionnels entrent alors en clandestinité à
l’instar des prêtres réfractaires. C’est le cas dans
quinze paroisses du Saumurois où le curé constitutionnel n’a
semble-t-il jamais cessé son ministère. A St-Pierre-des-Verchers,
alors que le culte extérieur est suspendu du 2 février 1794 au
22 juin 1795, le curé constitutionnel continue à exercer. Les
actes portés sur les registres clandestins rapportent qu’il fait
10 % des baptêmes et la moitié des mariages par rapport à
l’année précédente.
Les autorités saumuroises déplorent cette tendance au maintien
clandestin du culte : « presque toutes les communes de campagne de ce
district […] maintiennent une complaisance scandaleuse pour celle de leurs
anciens dimanches […] c’est ainsi qu’ils marquent leurs prédilections
pour de grandes messes tandis qu’aux jours républicains, on ne
leur marmonne que des basses […] la vipère est tranchée
et a les apparences de [la] mort prenez garde, la tête reste toujours
venimeuse […]. Ces prêtres ou plutôt ces loups travestis sous
l’apparence du plus candide patriotisme restent disséminés
parmi l’imbécile troupeau ». Le culte constitutionnel n’est
donc pas tout à fait mort. Il survit dans la clandestinité.
Alors que l’avenir du clergé constitutionnel semblait compromis,
le 21 février 1795, la Convention votait le décret de séparation
de l’Eglise et de l’Etat qui permettait en fait le rétablissement
du culte. Les curés saumurois qui acceptèrent de signer leur sécularisation
en 1794 sortirent de leur retraite en 1795 pour reprendre leurs fonctions. Mais
l’Eglise constitutionnelle ne se relèvera pas pour autant, notamment
dans les Mauges. Les épreuves subies ont laissé des traces et
la récente liberté accordée aux cultes s’avèrera
bien fragile.
Un processus de radicalisation
A l’heure de la Révolution, le clergé français
a été confronté au débat crucial de la place de
l’Eglise dans l’Etat. En effet, la Constitution civile du clergé
a contribué à instituer le problème religieux au cœur
de la scène politique. Pour les réfractaires au serment de 1791,
il fallait maintenir le modèle traditionnel d’une Eglise hiérarchique
et conserver la primauté accordée aux autorités religieuses
pour opérer un changement essentiel pour l’Eglise. Les prêtres
assermentés, quant à eux, avaient donné leur assentiment
à une certaine sécularisation de la société, impliquant
un moindre poids du catholicisme. Ils exprimaient, outre leur patriotisme, le
désir d’un renouveau conjoint de l’Eglise et de la Nation.
Les curés constitutionnels des Mauges et du Saumurois avaient fait le
pari d’une réorganisation de l’Eglise catholique non plus
sur des bases ultramontaines ou gallicanes, mais en fonction de ce que la société
civile proposait comme modèle . Or, au regard des troubles populaires
de 1791-1792 ainsi que des Guerres de Vendée, la question se dédoublait
: cette perturbation qui affectait en premier lieu le clergé avait-t-elle
pu avoir des répercussions sur l’ensemble des fidèles ?
La présence des prêtres constitutionnels a contribué à
un processus de radicalisation des opinions face à la Révolution.
Dans les Mauges, ils ont malgré eux cristallisé une opposition
de plus en plus patente chaque jour. Les communautés paroissiales se
sont solidarisées et soudées face à l’intrusion du
curé constitutionnel, oubliant par la même occasion les anciennes
tensions qui pouvaient exister au sein du village. L’ecclésiastique
assermenté a participé à une clarification politique de
la communauté, dans le sens où la neutralité concernant
la légitimité ou non de sa présence était impossible.
Il y a bien eu une montée des tensions autour de la question religieuse
qui trouve son apogée dans la guerre civile à partir de 1793.
D’ailleurs, les curés constitutionnels font très tôt
partie des premiers prisonniers des Vendéens. De ce fait, bien qu’ayant
abdiqué, un grand nombre de prêtres est resté fidèle
à ses engagements sacerdotaux, alors qu’ils n’étaient
retenus par aucun cadre ni contrôlés par aucune autorité
religieuse.
En définitive, le serment de 1791 a mis en mouvement une chaîne
d’événements et de réactions qui ont fait apparaître
des pôles de factions cléricales comme dans les Mauges et anticléricales
comme dans le Saumurois. Cet événement structurant a clarifié
la géographie religieuse et politique française pour longtemps
. Les prêtres constitutionnels, s’ils n’avaient pas déjà
renoncé à leur état, tenteront de se rallier à l’Eglise
concordataire, tout en craignant de renier aux yeux de certains leur choix de
1791. Ils s’aventuraient dangereusement sur le terrain du XIX ème
siècle.
Notes:
1-Le texte original des documents cités dans cet article
a été légèrement modifié pour en faciliter
la lecture.
2-Les Mauges constituent un pays aux limites parfois floues et discutées,
qui s’étend approximativement du Choletais à la Loire.
3-TACKETT T., in L’Eglise, la Révolution, la France. Le serment
de 1791, Paris, Le Cerf, 1986.
4-LEBRUN F., in L’Eglise d’Angers et la Révolution française,
Angers, Siraudeau, 1993.
5-TACKETT T., 1986.
6-DURAND de MAILLANE cité par TACKETT T., 1986.
7-MARTIN J.-C., in La France en Révolution 1789-1799, Paris, Histoire
Belin-Sup, 1990.
8-GODECHOT J., in MARTIN J.-C., 1990.
9-CHASSAGNE S., in LEBRUN F., in Histoire des diocèses de France, le
diocèse d’Angers, Paris, n°13, Beauchesne, 1981.
dépêchés par le département dans les districts de
St-Florent-le-Vieil, Cholet et Vihiers en 1791.
10-GALLARD L., in Le clergé saumurois de 1789 à 1795, D.E.S.,
Poitiers, exemplaire dactylographié disponible aux Archives Départementales
du Maine-et-Loire, 1960.
11-SUTHERLAND D., in Révolution et Contre-Révolution en France
(1789-1815), Paris, Seuil, 1991.
12-79% des prêtres élus dans les Mauges sont étrangers à
ce pays contre moins de 50% dans le Saumurois.
13-Le curé de St-Quentin-en-Mauges, François Jeanneteau, était
en poste depuis 1777.
14-C’est le fils du juge de paix de Chemillé.
15-C’est bien le curé Thubert lui-même qui écrit ici
mais sous une forme impersonnelle.
16-Habits sacerdotaux pour les cérémonies du culte.
17-Cf. supra note 2.
18-GERARD A., in La Vendée, 1789-1793, Mayenne, Enquêtes, Champ
Vallon, 1993.
19-TACKETT T., 1986.
20-Victoire Bauduceau fut guillotinée le premier février 1794,
notamment suite à cette affaire comme le signale son interrogatoire.
21-L’assimilation du curé constitutionnel à cet oiseau est
une image forte: c’est celui qui fait son nid dans le nid des autres...
22-GERARD A., 1993.
23-GERARD A., 1993.
24-TACKETT T., 1986.
25-Guillaume Loret, curé constitutionnel de St-Pierre-de-Chemillé,
est venu à Melay pour aider le curé Jean Thubert à faire
un enterrement ; il rapporte qu’ils furent insultés tout au long
de la sépulture et durent se retirer pour ne pas se faire frapper par
des femmes.
26-VOVELLE M. in TACKETT T., 1986.
27-TILLY C., in La Vendée, Révolution et Contre-Révolution,
Paris, Fayard, 1970.
28-TILLY C., 1970.
29-de VIGUERIE J., in Christianisme et Révolution, cinq leçons
d’histoire de la Révolution française, Paris, Nouvelles
éditions latines, 1986.
30-GALLARD L., 1960.
31-LEBRUN F., 1993.
32-GALLARD L., 1960.
33-PERET J., in Histoire de la Révolution française en Poitou-Charentes,
1789-1799, Poitiers, Projets Editions France, 1988.
34-GALLARD L., 1960.
35-PERET J., 1988.
36-PIERRARD P., in Histoire des curés de campagne de 1789 à nos
jours, Etrepilly, C. de Bartillat, 1986.
37-Coutures, St-Georges-des-Sept-Voies, St-Pierre-en-Vaux.
38-LANGLOIS Cl., in TACKETT T., 1986.
39-ISAMBERT F-A, TERRENOIRE J.-P., Atlas de la pratique religieuse des catholiques
en France, Paris, C.N.R.S., (d’après les enquêtes de Fernand
Boulard), 1980.